Les Toiles d’Archimède

Oser la solidarité

Quand un groupe d’habitants bénéficiaires du Service Local de Solidarité de Grenoble Centre décide de se former et de se lancer dans l’écriture et la réalisation de courts-métrages, peu pouvaient imaginer que l’aventure aurait pu aller si loin.

Et pourtant…

Le Cinéma Le Club va diffuser ces 3 courts-métrages, lors de deux soirées d’avant première et au début des films pendant 15 jours.

3 films sur le thème de la solidarité, du regard que nous pouvons avoir sur les personnes en difficultés -dans la rue ou non- comme sur les assistantes sociales… Pour enfin sortir de ce mot clivant et accusateur : « l’assistanat », et imaginer le remplacer par « solidarité ».

Le Groupe Archimède

Derrière ce nom mystérieux, les habitants et les assistantes sociales du SLS de Grenoble Centre se sont réunis.

Ils s’appellent Sasha, Taxi, Christian, Charly, Claudie, Gilles, Franck, Eric, Khaled, Marjorie, Bouchra, Sylvie…

Comment oser demander de l’aide lorsque l’on tombe dans la précarité ? Comment un simple sourire peut parfois faire basculer un destin ?

Un sujet que connaissent ces habitants pour un jour être tombé dans l’exclusion… et qui signent aujourd’hui 3 courts métrages, en collaboration avec les travailleurs sociaux du Service Local de Solidarité de Grenoble.

Né d’un désir de créer un projet créatif ensemble, le groupe d’habitants sous le nom du « groupe Archimède » organise d’abord une expo de peinture au SLS puis décide d’aller plus loin en cherchant des subventions pour la réalisation d’un film.

Le département de l’Isère répond alors présent, et 3 mois durant c’est l’équipe de Cinedia qui les accompagne dans la réalisation.
Écriture de scénario, cours d’improvisation puis tournage, tout le monde apporte sa patte, et comme par magie, les talents cachés des uns et des autres se révèlent…  
Une expérience qui a permit à tous de découvrir l’envers du décors  et d’en sortir plus fort. Et pas si facile de jouer les acteurs sous un soleil de plomb !
Trois courts métrages accueillis en salle, au cinéma Le Club qui a ouvert ses portes pour diffuser et accompagner ces films qui, nous l’espérons permettrons d’ouvrir le dialogue…et pourquoi pas d’imaginer à l’avenir un festival du court métrage solidaire à Grenoble ?

LES FILMS




Réflexions sur le contenu du projet.. « On a notre fierté, notre dignité »

Montrer que les personnes ont peur de venir au SLS voir une assistante sociale car ils redoutent qu’on leur enlève leurs enfants ou à cause de la honte.

« Mais montrer aussi que l’on peut dépasser cela. Importance de faire le pas. »

« On a notre fierté, notre dignité »

« Le SLS est un lieu où il y a du secret professionnel »

« On se sent plus en confiance avec certaines personnes pour parler »

« En lien aussi avec la culture, les représentations »

« On n’a pas la même résistance aux problèmes, le même seuil de tolérance aux difficultés »

Gilles propose une phrase pour démarrer le film (issue de « Le bon, la Brute et le Truand ») :

« Le monde se divise en 2 catégories, il y a ceux qui tiennent le révolver et ceux qui creusent » Et l’alternative est la solidarité

« Le capitaine à bord est maintenant la finance. »

« La société s’individualise »

Pour le micro trottoir : questions : Est-ce que vous connaissez le SLS, Qu’est- ce que le mot solidarité évoque pour vous ?

Interviewez plusieurs tranches d’âge. Trouvez des phrases qui interpellent par rapport à la solidarité.

Qu’est-ce qu’on veut montrer du SLS : Chaleur des rapports humains, Ecoute, des solutions à nos problèmes, la solidarité à travers le groupe accueil, valorisation de nos potentiels, ce n’est pas un lieu que de demandes

« On n’a plus la même vision des choses maintenant qu’il y a ce projet »

« Montrer que la culture est essentielle dans une société »

« L’initiative de départ de ce projet est intéressante, surtout dans ce lieu administratif. »

« Importance de la force collective. Ce groupe a créé une dynamique »


A l’origine : « Dépression, honte, la rue te happe, on n’ose pas demander par fierté »

Claudie présente l’origine du groupe accueil et son évolution.

A l’ouverture du SLS en mars 2013, le personnel a mis en place un questionnaire pour mobiliser les habitants sur l’aménagement de l’accueil et des idées d’animation. Un groupe s’est constitué, composé de professionnels et de personnes fréquentant le SLS. Le groupe a participé à la décoration, la signalitique etc…

Au sein du groupe, plusieurs personnes ont des compétences artistiques et nous avons travaillé sur un projet d’exposition qui a abouti en avril 2014.

Le groupe souhaite maintenant s’investir dans un nouveau projet de création d’un film sur le thème de la solidarité. Ce thème a été choisi pour montrer qu’il faut oser demander de l’aide, qu’il faut oser aller vers l’autre et que de cette démarche découlent souvent des choses positives inattendues justement en matière de solidarité. Cela permettra aussi de montrer ce qu’un SLS et ce groupe accueil peuvent apporter en terme de solidarité. Nous réfléchissons sur la notion de solidarité qui est différente de l’aide. « On se sent plus redevable quand on a reçu de l’aide» qu’est-ce qui fait qu’on refuse de l’aide ? «  Dépression, honte, la rue te happe, on n’ose pas demander par fierté »

Le film serait à la fois une partie documentaire et une partie fiction. Le but est surtout l’expression d’opinions sans jugement, sans débat, sans réponses. L’objectif est aussi de participer à une création collective qui permettra des apprentissages techniques.

Certains se posent la question de savoir s’ils seront acteurs. Nous rappelons que chacun sera libre de prendre la place qu’il veut dans tous les stades du projet.

Nous reprenons le scénario avec les 4 situations de fiction qui amèneraient les personnes à venir au SLS :

Une femme seule avec dans un parc

Un homme seul dans un bar,

Un couple a un arrêt de bus,

un jeune dans le tramway

Des idées par rapport à des situations vécues par certains sont évoquées. Une femme est assise sur un banc, à côté vient s’asseoir une jeune femme avec un enfant, la discussion s’engage et la jeune femme finit par avouer qu’elle ne sait pas où dormir le soir.

Dans un bar un homme seul est assis. Il écoute une conversation téléphonique où un individu parle de difficultés et où son interlocuteur lui donne des réponses. Quand la conversation est terminée il se dirige vers lui en lui disant qu’il a lui-même les mêmes difficultés.

Le groupe propose de réfléchir pour la prochaine réunion aux 2 autres situations pour envisager un scénario.


Séance Théatre : Comme si la bienséance les empêchait de “percer” la bulle de cet inconnu

28/3/2015

La séance a commencé par un retour sur la précédente réunion. Nous avons parlé du 1er
film que nous avons choisi afin de voir si tout le monde était bien sur la même longueur
d’ondes. Denis a mené cette discussion, et nous sommes tous tombés d’accord sur
l’ambiance à donner à notre première scénette.

Ensuite venait la partie “théâtre”, orchestrée par Marie, comédienne. Pas de cours de
théâtre a proprement parlé, non, une mise en situation plutôt, avec des “exercices” de ce
que j’appelle “prendre corps dans l’espace”.

1er/ Faire un cercle, une personne donne le départ de l’exercice en tapant dans ses mains
en même temps que la personne à sa droite, qui elle se retourne également vers sa droite et
tape dans ses mains en même temps que l’autre personne à sa droite et ainsi de suite
jusqu’à ce que le tour revienne à la 1ère personne qui doit se retourner vers sa gauche pour
taper dans ses mains en même temps que la personne qui la précède, et redonner
l’impulsion pour un second tour etc….. Quand nous nous avons tous pris le “rythme” Marie a
“lancé” un second rythme, qui devait se croiser avec le premier, pas si simple. Les 2
consignes à suivre étaient bien sûr de taper dans ses mains en cadence avec l’autre mais
aussi de se regarder droit dans les yeux.

On n’imagine pas à quel point il faut se concentrer, et il y a eu quelques petits “couacs”!!!
2ème/ Marcher en se croisant dans la pièce, d’abord tous les participants, puis finalement
divisés en 2 groupes. Les consignes pour cet exercice changeaient, marcher en ne voyant
pas les autres, puis marcher en ayant repéré une personne sans qu’elle s’en aperçoive, puis
changer de repère, marcher en étant inquiet, marcher en voyant la mer au loin, marcher en
étant en colère contre quelqu’un. Exercice difficile pour les uns et aisé pour les autres.
Personnellement la peur du “ridicule” était très présente au début, la peur de “prendre
conscience” de son corps, de se savoir regardé,(petite précision, Sophie, Thomas, Clara,
Denis et bien entendu Marie, étaient spectateurs). J’ai oublié de préciser que tous ces
exercices étaient accompagnés de musique.

3ème/ 3 chaises représentant un banc, étaient alignées, l’un de nous devait s’asseoir sur
une des chaises. Tout ceci devait se passer dans le silence. Une seconde personne devait
venir s’asseoir à côté de la première, et suivant les consignes de Marie, devait regarder son
voisin, ou ne pas le voir, ou essayer de “prendre contact” (toujours en silence), ou devait
rendre l’autre inquiet quand à sa présence. Plusieurs situations courantes de la vie, mais qui
lorsqu’elles sont vécues instantanément et naturellement ne posent aucun questionnement,
mais qui lorsqu’elles doivent être “jouées”, imposent une vérité, une sincérité qu’il n’est pas
facile de trouver, difficile de ne justement pas sur jouer, ne pas trop en faire, essayer de
rester naturel…..

4ème/ Toujours une personne assise sur ce “banc” tête baissée, et chacun à notre tour nous
devions passer devant cet inconnu, sans le voir pour certains, pour d’autres en s’arrêtant
presque devant lui/elle, chacun des participants “marcheurs” devait laisser libre cours à ce
qu’il ressentait face à cette personne assise sur un banc, chacun des marcheurs devait se
laisser aller à ressentir ce que l’inconnu représentait pour eux.

Comme je l’ai dis certains s’arrêtaient devant cette personne, d’autres s’asseyaient et le
touchaient, comme pour le soutenir d’un geste amical, voire maternel, d’autres le frôlaient de
leurs main, comme si la bienséance les empêchait de “percer” la bulle de cet inconnu les
empêchait d’aller plus loin. Cet exercice a fait naître un certain attendrissement face une
personne dont on ne sait rien mais qui par une posture, fait naître en nous un sentiment,
protecteur, ou carrément indifférent. Nous avons touché de très prés “l’essence” de ce que
nous voulons véhiculer dans nos “films”.

Je n’avais jamais fais d’”impro” je trouvais ça très simple, et sans intérêt, j’ai adoré ce
moment, je suis allée au delà de mes craintes, je me suis “dévoilée” face aux regards
(bienveillants) de ces personnes que je côtoie depuis quelques mois, mais que je ne connais
pas, et qui ne me connaissent pas non plus. Non ce n’est pas simple de se mettre à “nu”,
parce que c’est bien cela dont il s’agit, oh, nous ne sommes pas des comédiens, non, nous
n’avons pas cette prétention, mais je pense pouvoir dire, que nous sommes tous là pour
avancer, que notre vie a basculé à un moment, que nous avons perdu pied, que nous avons
renoncé, nous nous sommes résignés, et puis nous avons repris espoir, nous nous sommes
relevés, le chemin est semé d’embûches, mais pour ma part en tous cas, je me sens portée,
soutenue, aidée, et peut être appréciée (sans prétention) par ce groupe. Je souhaite que
l’aventure ne fasse que commencer…..
Rebboah Alvarez Sasha.

 

30/4/2014

Séance de théâtre : Distribution des rôles !

Aujourd’hui nous avons débuté la réunion par un tour de table, il est important d’une séance
à l’autre de redéfinir ensemble “l’idée” de notre film. Nous ne devons pas nous laisser
emporter par des changements inopinés, et devons rester fidèles au “scénario” initial. Je
trouve ces débats primordiaux, et même si pour ce premier film il n’y a aucun dialogue, il est
nécessaire d’avoir ces échanges, nous “débroussaillons” un peu plus chaque fois, et au fur
et à mesure nous distinguons un peu mieux ce que nous allons “réaliser”….. Et……..
C’est ce jour que nous allons distribués les RÔLES, il y a 3 personnages principaux dans
cette scénette, et j’ai l’honneur de faire partie du “casting”. Charly et Taxi seront mes
acolytes de tournage!!!
Cela devient sérieux, et toute l’équipe de CINEDIA nous pousse à nous dépasser, à ne pas
avoir peur de nous mettre en avant, à ne pas avoir peur de “jouer” un rôle qui ne correspond
pas à ce que nous sommes dans la vraie vie, à nous grimer, à nous vieillir, à nous rajeunir, à
ne plus avoir “honte” de nous (je parle pour moi).

Lorsque j’ai rencontré Thomas la première fois pour lui expliquer notre aventure, j’avais
insisté sur le fait que nous ne voulions pas être “dépossédés” de notre projet, et lui ainsi que
toute son équipe a tenu parole, ils nous guident, nous aiguillent, nous forment en quelque
sorte sans jamais rien imposer.

Denis et Franck ont dû nous quitter avant la fin de la séance, et nous avons continué sur la
partie théâtre animée par Marie.

Nous avons commencé par faire un petit jeu des chaises musicales, mais à la différence que
nous avions tous une chaise, que l’un d’entre nous devait se lever ce qui avait pour but de
faire lever tous les autres, et tout en marchant devait se réapproprier une chaise libre,
j’insiste sur le fait qu’il fallait marcher et non courir.

Un autre exercice que j’ai trouvé vraiment intéressant, Marie a divisé le groupe en deux,
d’un côté il y avait les voyants, et de l’autre les aveugles, chaque voyant devait guider un
aveugle, en passant de l’un à l’autre, sans parler, nous devions prendre soin de “nos
aveugles” afin qu’ils ne butent pas dans un mur ou dans un autre duo voyant/aveugle, nous
devions les piloter au “toucher”. Il s’agissait là de confiance (aveugle) dans son ou sa
partenaire. Personnellement je n’étais pas tranquille lorsque je suis passée du côté
“sombre”, je ne maîtrisais plus les choses, et cela a été très difficile pour moi de me laisser
contrôler. Je crois que je ne dirais jamais assez combien cette aventure fait ressortir des
choses de moi que je n’imaginais pas. J’apprends beaucoup plus que je ne m’y attendais,
j’apprends sur les autres, mais j’apprends sur moi aussi, et si c’est déstabilisant, c’est aussi
tellement enrichissant.

Puis Marie nous a mis en scène dans nos propres rôles.

Le personnage de Charly est un jeune homme assis sur un banc, un jeune homme qui
paraît à la dérive……

Taxi elle, est une femme âgée, d’allure chic, marchant avec une canne.

Moi je suis une jeune femme un peu à la dérive aussi, assise sur un banc.

Ceci étant déterminé Marie nous a fait jouer nos propres rôles, c’était très intense, il n’y a
pas de dialogue encore une fois, mais il nous a fallu nous mettre dans la peau de ces
personnages, avec l’attitude qui convient, la posture qui convient, et le regard ou le sourire
qui convient. Tout ceci était filmé, Sandro et Thomas nous donnaient des consignes à
suivre.

J’ai adoré cette séance, et lorsque je suis rentrée j’étais épuisée, vidée, mais bien!!!
Voilà je termine ce compte rendu en me répétant certainement, mais je me répète du positif,
je me suis tellement répétée en plaintes que je ne vais pas me priver de m’extasier sur ce
qui donne un sens à ma vie aujourd’hui…..

Je ne suis pas seule, il est vrai que j’ai une famille soudée, des enfants magnifiques, mais
ce que je trouve en venant au SLS dans ce groupe, avec tous les gens qui participent à
cette aventure m’appartient, grâce à vous tous je suis à nouveau dans le “sens de la
marche”.

Je vous remercie.

Rebboah Alvarez Sasha

 

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